Seulement trois étapes dans ce journal de bord, puisqu’à l’issue de celles-ci nous avons quitté le bateau afin de profiter d’un petit séjour à vélo dans les Pouilles. Avant cela nous avons battu notre record de vitesse dans le courant du détroit de Messine et affronté un orage en pleine mer. De quoi graver quelques souvenirs.
Lipari – Milazzo
37nm – 7 heures – 5,2kt vitesse moyenne
La navigation vers Milazzo fut un jeu d’enfant, le vent portant nous permettant de faire le cap presque sur un seul bord.
Une fois arrivée, les parents ont préféré la visite de la vieille ville, pendant que nous sommes restés pour tenter de pêcher le dîner. Malgré notre persévérance, nos quelques prises (des bogues principalement) sont relâchées à cause de leur petite taille.
Dans notre mauvaise fortune nous avons rencontré d’autres pêcheurs avec qui nous avons sympathisé. Ils nous ont même fait remonter les quelques casiers qu’ils avaient posé là auparavant. Leur menu du soir : des mulets et deux poulpes. De notre côté, le poisson frais allait se faire attendre…
Milazzo – Porto Bolaro
37nm – 7 heures – 5,2kt vitesse moyenne
Pour franchir le mythique détroit de Messine, le départ fut donné à 5h30, le soleil à peine au dessus de l’horizon. Selon la marée, nous devions débuter la « descente » vers 10h, avec une fenêtre d’au moins 3h de courant Nord-Sud. Il ne fallait pas trainer et éviter la bascule.
Comment franchir le détroit de Messine à la voile ?
Le détroit agit comme un goulet d’étranglement de 3 km de large entre la mer Ionienne au sud à la mer Tyrrhénienne au Nord. Le courant marin y est donc très puissant et sa violence est même décrite par Homère dans l’Odyssée.
Selon la marée, le courant porte du Nord au Sud ou du Sud au Nord. Impossible pour un bateau comme le nôtre de lutter contre ce courant. Nous nous sommes donc bien renseignés avant de nous engager. D’après les informations que nous avons pu recueillir, il fallait attendre 4h après la pleine mer à Gibraltar pour avoir le courant avec nous.
Notre descente du détroit de Messine se passa à la perfection. En effet, en plus du courant, le vent nous a accompagnés, ce qui nous a permis de battre notre record de vitesse à 9,6 nœuds et de rejoindre notre objectif en un rien de temps. La sensation de vitesse était incroyable, comparable à la descente sans effort d’une rivière en kayak.
Il fallait tout de même prêter attention aux innombrables ferries qui effectuaient la traversée entre la Sicile et le continent.
Au Nord du détroit nous avons pu également observer les fameux bateaux de pêche à l’espadon. Ils disposaient d’une vigie très haute et d’une longue passerelle à l’avant pour harponner le poisson.
Pour notre escale du soir, nous avions prévu de nous rendre dans un port qui était encore en construction quelques semaines auparavant. Au moment d’affaler les voiles, aucune trace, ni de réponse à la VHF du fameux Porto Bolaro… Pourtant, dans un renfoncement discret, un lieu paradisiaque encore en construction nous attendait. Trois jeunes sont descendus nous accueillir dans leur marina complètement vide. Nous étions seulement leur deuxième visiteur, et pour cause, l’ouverture était prévue le lendemain, et les travaux étaient toujours en cours.
Nous aurions pu nous croire aux Antilles : bananiers, palmiers et paillote en bois… Le bateau était vraiment bien installé dans sa petite crique privée. Pour les navigateurs il s’agissait aussi de rattraper des heures de sommeil et de profiter du confort des lieux.
Porto Bolaro – Porto delle Grazie
37nm – 7 heures – 5,2kt vitesse moyenne
Nous avons quitté notre port privatisé à 4h du matin pour ne pas arriver trop tardivement. Sur les premiers milles nous avons profité d’un bon vent et d’un peu de courant du détroit de Messine. À tribord, l’Etna, fumant, avait son sommet encore couvert de neige.
Malheureusement la brise ne dura pas et ce sont des heures de voiles et moteur qui s’enchainèrent au rythme des siestes des uns et des autres.
La mer d’huile permit d’observer de temps en temps de gros bancs de sardines épargnés par les filets, les dauphins et autres prédateurs en tout genre.
Et puis au moment de remonter vers le Nord, nous vîmes les premiers gros nuages déverser pluie et tonnerre sur la côte. Ce passage orageux était prévu par la météo. Mais il devait rester au dessus de la terre ferme. Ce ne fut pas du tout le cas, le ciel sombre s’avançait également vers nous.
Les options n’étaient pas nombreuses et nous avons d’abord décidé de prendre le large pour essayer de contourner la cellule principale… Ce fut peine perdue, le nuage s’étendait bien plus vite que notre déplacement. La tension à bord montait (sans mauvais jeu de mots). Un moment de débat fut nécessaire avant que le capitaine prenne la décision de traverser l’orage.
On ne pouvait pas éternellement naviguer vers le large… A peine le virement opéré nous nous sommes retrouvés sous les éclairs et une forte pluie. Les nuages se vidaient littéralement sur nous.
« C’est le destin qui bat les cartes, mais c’est nous qui jouons. »
En quelques minutes nous étions trempés. Le tonnerre a grondé, crépité, explosé pendant de longues minutes au dessus de nous. Et puis progressivement la pluie a diminué, le vent s’est levé et les derniers éclairs sont tombés. Heureusement pas sur notre mat !
Notre navigation de plus de 100 km s’est terminée sur une belle vision de trois gros dauphins de Risso qui semblaient nous accueillir après cette longue journée. Porto delle Grazie, notre escale du jour n’a jamais aussi bien portée son nom. Ci-dessous un petit aperçu de notre navigation pendant et après l’orage.
Le ciel encore déchiqueté laissait paraître ses plus belles couleurs au coucher du soleil, de quoi faire de beaux rêves après cette journée forte en émotions.
Le prochain journal de bord n’en sera pas vraiment un, puisque, l’espace de quelques jours, nous avons pris la route des Pouilles pour un petit séjour à vélo.